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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE |
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Congrès socialiste 1
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Alain Bergounioux : Il est important de rappeler, en préalable, que le congrès, dans la tradition socialiste, c’est le lieu de la souveraineté. Les statuts actuels qui reproduisent sur ce point les statuts anciens, stipulent que la direction du parti appartient au congrès. Ce lieu de la souveraineté a deux dimensions traditionnelles : c’est au congrès que sont définies les grandes orientations politiques et que la direction du parti est désignée. Les grandes orientations politiques se retrouvent dans les motions adoptées, ces motions déterminant - mais pas toujours - des orientations politiques. Les choix effectués par les militants, avant le congrès, dans la phase de discussion dite des « contributions », puis surtout avec le dépôt des motions, textes de compromis partiels ou généraux, soumis au vote du congrès, sont des choix de ligne politique, de perspectives, et d’action. La nouvelle direction se forme au congrès. Dans les statuts du PS depuis 1971, qui reprenaient là les dispositions statutaires de la SFIO des années 1905-1940, la direction, c’est-à-dire aujourd’hui le conseil national, est élue à la proportionnelle des résultats obtenus par les motions. La direction est donc l’émanation d’un choix politique. Le conseil national, instance qui a remplacé le comité directeur en 1992 (décision du congrès de Bordeaux, juillet 1992), assure la direction du Parti entre deux congrès, celui-ci étant convoqué tous les trois ans. Au-delà de cette réalité ancienne mais toujours valable, il faut relever certaines évolutions. Les congrès de la SFIO, de 1905 aux années 60, étaient avant tout des congrès tournés vers les affaires « intérieures » du Parti, le nombre des délégués n’était d’ailleurs pas très important, rarement plus de trois cents. Et on en parlait peu dans la presse nationale. Un seul exemple. Le congrès de Tours, en 1920, était en fait un congrès assez simple, qui se passait entre socialistes. Certes, les délégués devaient faire des choix forts quant à la conception du Parti, mais leurs débats se déroulaient dans l’indifférence générale de la société, et sans que la question des grèves qui avaient agité le pays au printemps précédent ne transparaisse dans les interventions, aussi bien du côté des continuateurs de la « vieille maisons » que de celui des futurs communistes ! Le congrès était un conclave. Depuis le milieu des années soixante, et cette évolution s’est accentuée dans les décennies suivantes, les congrès ont acquis une troisième dimension, ils sont devenus un enjeu de communication. Ils ne sont plus seulement le lieu où se retrouvent les délégués socialistes porteurs des options des militants, ils s’adressent également à l’opinion publique via les médias. Ils ont une fonction de propagande, de communication politique. Cette dimension n’était pas absente des congrès du temps de la SFIO, mais les relais n’étant pas les mêmes, elle concernait moins de monde et donc requérait moins d’attention de la part des différents acteurs. Cette évolution n’est pas étonnante, elle est liée à l’émergence de la société médiatique, et elle est à la fois subie et gérée par le Parti socialiste, comme d’ailleurs par les autres formations politiques. Les congrès socialistes ont depuis quelques années, une quatrième dimension, ou plutôt ont perdu une de leurs prérogatives. Rappelons que jusqu’en 1993, le « premier des socialistes », le secrétaire général du temps de la SFIO ou le premier secrétaire depuis le congrès d’Issy-les-Moulineaux de 1969, était élu par les membres de la commission administrative permanente (CAP), puis à partir de 1944, par le comité directeur, lors de la première réunion de cette instance, pendant ou juste après le congrès. Au début des années 90, le premier secrétaire était élu pendant le congrès à bulletins secrets et au scrutin majoritaire à deux tours par les délégués. Désormais, depuis le congrès de Brest (1997), le premier secrétaire est élu à bulletins secrets par l’ensemble des adhérents du parti, réunis en assemblées générales de section, après le congrès national (art. 7.14). Cette nouvelle disposition marque une rupture avec la tradition du Parti socialiste qui conférait au congrès l’essentiel de la souveraineté, car elle introduit un élément de démocratie directe. La souveraineté est aujourd’hui partagée, le premier secrétaire ne tient plus sa légitimité seulement du congrès du Parti mais de tous les militants, ce qui lui donne une plus grande autorité. Cette évolution très récente ouvre la voie à une forme de parti qui n’est plus la même que par le passé. On constate donc que le congrès socialiste garde certaines de ses grandes prérogatives traditionnelles mais que les évolutions récentes s’inscrivent aussi en rupture, et il est sans doute trop tôt pour en mesurer toute la portée.
Frédéric Sawicki : Tout l’intérêt pour l’observateur des formations politiques est de voir comment les différentes fonctions d’un congrès que vient de décrire Alain Bergounioux, définition des orientations politiques, sélection des instances dirigeantes, communication « interne » et « externe » s’articulent et parfois entrent en conflit. Au cours de l’histoire, et pour ne nous en tenir pour l’instant qu’au parti d’Épinay, les congrès ont combiné très différemment les dimensions évoquées. Au-delà des statuts, il faudrait donc presque analyser chaque congrès au cas par cas. Les congrès du début du siècle sont souvent très passionnels, passionnés, très idéologiques, car le Parti socialiste SFIO formé en 1905 regroupe des courants issus de partis antérieurs relativement structurés, avec leurs propres histoire et culture et, surtout, ce n’est pas un parti de gouvernement. A partir de 1920, avec la naissance du PC, les socialistes vont continuellement se situer en fonction de leur concurrent de gauche, avec un courant de « droite », prêt à un recentrage, qui pousse à la participation ministérielle avec les radicaux, et un autre qui le rejette. Les congrès reflètent ces tensions, et atteignent leur paroxysme sur la question de la paix et de la guerre, qui fait voler en éclats les synthèses précédentes. Après la guerre, la SFIO se dévitalise rapidement et a tendance à se rétracter sur elle-même, sur ses notables, ses élus locaux. Le poids des trois grosses fédérations - Nord, Pas-de-Calais, Bouches-du-Rhône qui à elles seules pèsent près de la moitié des mandats - rend difficile le débat qui existe toujours mais, à tout le moins, fige l’équipe de direction du Parti. Dans les années 70, l’afflux de jeunes militants très combatifs et parfois peu expérimentés, animés de l’envie d’en remontrer et d’en découdre, d’être en rupture avec l’ancien parti, bouscule la donne ; la volonté d’affirmer l’ancrage à gauche, l’alliance avec le PC confèrent aux débats un tour plus rugueux. Après 1981, les enjeux de gestion, le souci d’être en phase avec le gouvernement sont pris en compte et jusqu’à Rennes produisent des congrès dévitalisés, congrès de ratification qui sont de grands meetings dans lesquels les stands commerciaux tiennent une grande place comme à Toulouse ou Lille… Il me semble qu’il y a des scansions historiques importantes, et que tenter une véritable typologie des congrès n’est peut-être pas très pertinent. Pour simplifier, on peut dire qu’il y a différents types de congrès dans l’histoire du Parti socialiste. Il y a des congrès pacifiés où les enjeux en termes de définition de ligne politique et d’équipes de direction ne se posent que très marginalement. C’est le cas lorsque des accords préalables entre responsables de courants créent une situation de statu quo et règlent avant le congrès la répartition des postes à la direction du Parti. Je constate par exemple que les congrès qui ont suivi l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, jusqu’au congrès de Rennes en 1990, ne sont pas de même nature que beaucoup de ceux des années 70 qui se caractérisent par une recomposition fréquente des contours de la coalition dirigeante. Les enjeux programmatiques et de leadership sont alors étroitement imbriqués. Il faut donc comprendre les raisons pour lesquelles certains congrès sont des lieux d’affrontement sur les lignes politiques et sur les hommes et d’autres sont plutôt des opérations de communication. Comme le disait Alain Bergounioux, il y a en effet une dimension de communication externe (vis-à-vis des électeurs potentiels) et interne (vis-à-vis des militants) à un congrès et lorsque les conflits internes se déroulent au vu et au su de tout le monde, par médias interposés, les effets peuvent être incontrôlables. A Rennes, mais déjà à Metz, les médias pèsent sur les protagonistes, avec un effet de retour extrêmement rapide. Les déclarations dans la presse ou dans les médias audiovisuels, et l’interprétation qui est faite par les médias des prises de position des protagonistes du congrès, ont un impact quasi immédiat sur le déroulement du congrès et sur les stratégies. Les médias sont donc des acteurs à part entière des congrès, dans la mesure où les leaders du parti eux-mêmes s’en servent comme d’une ressource pour peser dans le sens de leurs choix. On sait par exemple aussi qu’il y a des connivences entre certains journalistes et tel ou tel responsable politique. La personnalisation extrême des congrès « critiques » est incontestablement aussi le produit de la façon dont les journalistes politiques rendent compte de l’événement. | Le congrès, manifestation de l’unité et de la diversité |
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